Par le Père Jérôme Hamon

Le Carême : Dieu réellement présent dans ma vie !

Frères et sœurs, on pourrait entendre le récit des Tentations comme un simple (et intense !) épisode dans la vie de Jésus où il aurait triomphé une fois pour toutes du Tentateur. En fait, ce récit décrit la lutte que Jésus va avoir à mener pour accomplir sa mission tout au long de son existence terrestre jusqu’à la croix.

Ce récit des tentations est aussi une belle catéchèse, pour chacun d’entre nous au début de ce carême : au fond cela pourrait se résumer ainsi : comment je conduis ma vie en me laissant conduire par Dieu ? Mais l’Adversaire est là… et il y’a une chose qu’il ne supporte pas, c’est que l’on prenne au sérieux, très au sérieux l’existence de Dieu et sa présence réelle dans notre vie.

Au fond, le Malin, essaie par tous les moyens de nous faire préférer autre chose à Dieu…. quelque chose d’apparemment meilleur, d’apparemment plus réel. Par exemple du pain, çà c’est concret, et çà j’en ai besoin… et si j’ai faim Dieu a un concurrent de taille ! Mais aussi, le pouvoir, la domination sur des territoires, posséder un royaume terrestre, des sujets qui m’obéissent au doigt et à l’œil, çà c’est bien concret, alors que le monde de Dieu semble à ce point m’échapper qu’il en devient secondaire.

Faire passer Dieu pour une illusion, le mettre de côté… avec des réflexions qui peuvent nous faire douter : « Si Dieu je ne l’entends pas vraiment, est-il réel, la Réalité ? S’il ne colmate pas ma souffrance tout de suite, est-il vraiment bienveillant, est-il la Bonté ? Et si Dieu ne confirme pas ce que je pense, est-il vrai, est-il le Tout-puissant ?« 

En y pensant, je me disais… nous souhaiterions tellement que Dieu vienne combler sensiblement nos attentes ou nos besoins comme la nourriture vient apaiser notre faim… Parfois la finalité de notre foi est biaisée, en visant notre bien-être, mais la foi ce n’est pas cela et nous risquons alors de mettre Dieu à l’épreuve… c’est-à-dire insidieusement le rabaisser à notre niveau, et en faire une chose, notre chose… Mais Dieu est quelqu’un, et comme un bon ami, nous devons le traiter comme une personne qu’on renonce à utiliser et dont la présence silencieuse suffit à nous combler. Jésus est cet ami, ce Seigneur qui offre sa vie sans rien nous demander en retour ; et il insuffle son Esprit en nos âmes, une Alliance éternelle, un lien d’amour dont nous tenons un des bouts… quand même…

Le Carême c’est saisir ce lien d’amour, et avant même d’être un temps d’efforts, de sacrifices, c’est un temps de consentement… un temps béni où nous reprenons conscience de la réalité de Dieu. Un peu comme lorsque nous nous rendons compte que quelqu’un est en face de nous alors que nous étions perdu dans nos pensées… ou comme ces moments où nous nous disons : « Ma vie, celle qui est là mienne aujourd’hui elle est celle qu’il m’est donnée de vivre, et j’y consens, je l’accueille dans sa réalité, dans sa beauté ; j’arrête de la rêver, ou de sans cesse ruminer ce qui lui manque… ce qui ne va pas« 

Le Carême est bien placé dans l’année liturgique… il est nécessaire pour se préparer à Pâques, mais peut-être d’abord déposer nos usures, nos besoins d’être renouvelés, d’être sauvés… nos fatigues, y compris nos sentiments de révolte ou ces impressions d’être incompris de Dieu ou des autres… J’aime cette phrase du chanteur Léonard Cohen : « Dans toute chose il y’a une faille (fissure). C’est ainsi qu’entre la lumière« 

Alors, offrons ces failles au Seigneur… qui sont autant de portes que nous ouvrons au travail intérieur de la grâce. Alors nous serons poussés, durant ces 40 jours, à reconquérir tous ces « oui » au Seigneur ! Des « oui » qui peuvent jaillir dans la prière et le don de nous-même : « Oui, Seigneur tu es le Dieu de la vie, le Dieu de ma vie! » Alors pourrons naître d’autres « oui » généreux : au pardon, au partage, des « oui » courageux à l’espérance et à la joie de la résurrection.

Amen