Par le Père Jérôme Hamon

Elaguer notre prière

La prière est souvent la reconnaissance d’un manque, d’une limite personnelle. Jésus nous appelle à persévérer dans la prière comme lorsqu’il parle de cette veuve qui s’obstine à demander justice au juge inique ( Lc 18,1-8) parce que plus nous prions, plus nous savons comment prier et plus cela devient vital.  Moins je prie, moins je ressens le besoin de prier…c’est une règle toute simple…comme la nature a horreur du vide, le temps non-consacré à prier est toujours rempli d’occupations, de choses très importantes, sans doute. En priant nous parlons avec Dieu en l’aimant et cela est bon… souvent nous nous taisons, et cela demande aussi de la persévérance que de chercher le silence intérieur.

Prier pour découvrir ce qu’il faut demander…, à vrai dire, il s’agit de se libérer de ce que  nous croyons bon pour nous, c’est aussi cela la foi.  Cela demande de la persévérance aussi, un renoncement : « Que ta volonté soit faite ».  Oui, il y a des besoins naturels, premiers, secondaires et il y a des désirs profonds. Dieu veut nous révéler ces désirs plus profonds, quel autre moyen que la prière afin de découvrir en nous ce que Dieu désire voir grandir, fructifier…

Dans notre prière il nous arrive d’insister auprès de Dieu car une chose nous tient à cœur. Mais il y a une bonne et une mauvaise insistance. Combien de fois dans un magasin des enfants demandent à leur maman ou à leur papa : je veux ça, achète moi ça ! Même les adultes se font des fixations sur les choses à posséder ou des changements indispensables à vivre. « Il n’y a que comme ça que ça ira mieux », parce qu’on est toujours en manque de quelque chose et qu’on peine à se satisfaire de ce qu’on a, de ce qu’on est. Telle est notre condition et il faut y consentir. Il nous arriverait presque de faire la leçon à Dieu comme un vendeur tentant de convaincre son client. La prière, ça n’est pas persuader Dieu du bienfondé de notre demande.

Je suis allé passer un moment à la formation « Fleurir en liturgie «  sur notre paroisse. Un mot a frappé mes oreilles : « Élaguer »…et la réaction des participantes…  Pas toujours facile d’élaguer les bouquets, c’est-à-dire, couper, trancher, ôter du feuillage ou banchage. Cela pourrait donner l’impression de retirer à la composition son ampleur, et finalement sa raison d’être. Et puis on préfère souvent ajouter, avec cette secrète impression de faire plus, de faire mieux…Or, il n’en est rien. Comme le rappelait une formatrice avec une belle analogie : il s’agit de laisser de l’espace entre les végétaux pour que l’Esprit de Dieu puisse l’habiter !

Il en est de même pour notre prière. Bien souvent, et c’est normal, nous entrons dans la prière avec de multiples pensées, images, situations, notre vie quoi ! Un peu comme au début d’une composition florale. Puis, le temps donné au Seigneur, le désir du cœur de lui parler et de l’écouter ( ! ) invite à élaguer, à laisser de l’espace pour que l’Esprit Saint lui-même vienne prier en nous. Notre vie devient prière.

« Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles. Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Romain, 8,26-28)

Amen